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Inflation : faut-il augmenter les salaires des collaborateurs ?


Elle court l’inflation, et elle n’est pas prête de s’arrêter... Comment l’entreprise doit-elle soutenir ses collaborateurs quand ses activités et bénéfices s’en trouvent eux aussi impactés ?


Reprise post-Covid 19, guerre en Ukraine et ressources énergétiques raréfiées ont contribué au retour de l’inflation en 2022. En fin d’année, elle dépassait les 10 % dans la zone euro, avec des conséquences directes sur le quotidien. Elle se caractérise par « une perte du pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix. (…) La perte de valeur de la monnaie est un phénomène qui frappe l’économie nationale dans son ensemble (ménages, entreprises, etc.) » (INSEE). Du prix de l’énergie au coût des denrées alimentaires, l’inflation touche chaque pan du quotidien, laissant entrevoir une demande légitime : les entreprises devraient-elles réhausser les salaires pour compenser les difficultés économiques rencontrées par leurs collaborateurs ? Une question épineuse à laquelle ont répondu Bénédicte Tilloy, experte du Lab, DRH et ex-DG de SNCF Transilien, et Léa Lejeune, journaliste économique et cofondatrice de Plan Cash.



Est-il judicieux pour les entreprises d’indexer le salaire des collaborateurs sur l’inflation ?


  • Benedicte Tilloy - La rémunération, c’est la dernière chose qu’on fait évoluer car une fois qu’on augmente quelqu’un, on l’augmente « à vie ». De plus, si on indexe la rémunération sur l’inflation, automatiquement, on augmente le prix du produit que le collaborateur fabrique et on entretient l’inflation en créant une spirale. Ces deux raisons amènent les DRH à être en difficulté avec l’idée d’indexer le salaire des gens sur l’inflation. De leur côté, les collaborateurs trouvent normal de garantir leur pouvoir d’achat via une augmentation de salaire. C’est une négociation compliquée car il y a un antagonisme de regards.


  • Léa Lejeune - L’inflation bénéficie à certaines entreprises, comme le luxe dont les tarifs continuent à augmenter, et d’autres sont très touchées comme le secteur de l’industrie qui consomme beaucoup d’électricité. Les organisations en soi n’ont pas spécialement intérêt à augmenter tout le monde avec l’inflation. Mais ça aurait du sens et techniquement, les grandes entreprises peu impactées par la crise, comme le luxe ou la grande consommation qui ont fait des bénéfices records, pourraient envisager d’augmenter la rémunération de leurs collaborateurs en fonction de l’inflation. Une des rares utilités de cette indexation pour les entreprises, c’est la rétention des talents, comme les cadres sélectifs difficiles à remplacer. L’augmentation de salaire est alors décidée, mais au cas par cas.

« Du point de vue du collaborateur, la baisse du pouvoir d’achat depuis 2022 justifie une indexation. »


L’inflation est-elle une excuse assez solide pour demander une augmentation de salaire ?

  • BT - C’est le sujet sur lequel il y a besoin de faire de la pédagogie car il y a potentiellement de l’incompréhension. La revendication des collaborateurs est d’un côté totalement légitime et de l’autre, l’entreprise est en droit de défendre sa compétitivité dans son secteur. La question de réévaluation se pose dans tous les cas chaque année avec une NAO[Négociation annuelle obligatoire, ndlr] pour les entreprises privées de plus de 50 salariés.


  • LL - Du point de vue du collaborateur, la baisse du pouvoir d’achat depuis 2022 justifie une indexation. Mais dans notre économie de marché, les évaluations de fin d’année et les demandes d’augmentation fonctionnent sur le mérite – et on peut le regretter. L’inflation étant un facteur extérieur, elle ne dépend pas de notre mérite. Sur Plan Cash, on explique que l’inflation n’est pas un critère suffisant pour convaincre l’employeur et il faut être conscient de ces règles dans l’entreprise. Il vaut mieux mettre en avant ce qu’on a apporté à l’entreprise tout au long de l’année : les clients qu’on a réussi à ramener, les nouveaux projets… Le maximum de metrics qui permettent de voir son évolution.



Quelles réponses les managers et DRH peuvent apporter aux candidats et salariés qui négocient un salaire ou une augmentation sur la base de cet argument ?

  • LL - Il y a deux manières de réagir. D’abord le facteur humain : est-ce qu’on est conscient de la situation économique de la personne en face ? Si on est devant un salarié qui a des difficultés économiques importantes, comme les familles monoparentales par exemple, le facteur humain devrait à mon sens peser dans la balance, mais ce n’est pas toujours le cas. Ensuite, chaque manager devrait prévenir le salarié qui demande une augmentation sur ce critère que ce n’est pas la bonne manière pour avoir le plus de chances de l’obtenir, afin que l’année suivante ils arrivent avec de réels arguments.



Est-ce que proposer un salaire rehaussé rend l’entreprise et le poste plus attractifs pour les candidats sur le marché de l’emploi ?

  • BT - La question est de savoir pour chaque entreprise ce qui est le plus structurant dans sa proposition de valeur. Les gens viennent pour faire un travail qui leur plaît dans de bonnes conditions. Ça reste un invariant et une rémunération intéressante ne compense pas durablement un poste pénible. Mais si on n’arrive plus à recruter, les salaires peuvent être remis en question. Sur les métiers de la restauration, la branche professionnelle a été amenée à négocier une progression moyenne de 16,33 %. Désormais la négociation se fait soit au niveau de l’entreprise, soit au niveau de la branche professionnelle, cette dernière étant plus profitable pour les entreprises car leur avantage concurrentiel n’est alors pas remis en question.


  • LL - Proposer un salaire rehaussé reste important pour l’attractivité du poste. Les salariés sont en recherche de sens, mais le salaire reste parmi les premiers critères pour les jeunes en recherche d’emploi. Donc il ne faut pas se passer de ce critère primordial lors du recrutement. Ce qui est intéressant dans la période d’inflation qu’on connaît, c’est qu’il y a moins de chômage et que plus de salariés bougent de boîte en boîte. On peut donc se permettre davantage de prendre le risque d’aller chercher ailleurs. Ce n’est pas toujours le cas, et c’est un des critères qui fait qu’on n’est pas en récession.

Source : WelcometotheJungle

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