Ils ont 62, 65 ans, voire plus, sont profondément attachés à leur travail et ont décidé de l'exercer encore quelques années. Alors qu'ils pourraient déjà bénéficier de leur pension. Rencontre avec ces seniors qui ne courent pas après leur retraite.
« Presque chaque mercredi, je reçois mes anciens collègues pour déjeuner à la maison », se réjouit Chantal, 71 ans. Cette ancienne conseillère Pôle emploi, qui a démarré à l'ANPE, l'ancêtre de l'agence, vient tout juste de quitter son travail. « J'ai passé plus de 45 ans de ma vie dans cette entreprise. Je ne voulais pas en partir car je n'avais pas de problème de santé, et j'adorais mon travail, l'ambiance et mes collègues », confie-t-elle.
En France en 2021, 35 % des actifs ont continué à travailler entre 60 et 64 ans, et 9 % entre 65 et 69 ans, d'après la Dares. Une proportion qui augmente depuis les années 2000 . Pour la plupart d'entre eux, ces années supplémentaires servent à compenser des carrières discontinues et permettent d'engranger de nouveaux trimestres, ou alors à améliorer des pensions de retraite trop faibles pour vivre convenablement. C'est particulièrement le cas des femmes. Quelque 35 % d'entre elles travaillent au-delà de 60 ans, car elles ont eu des carrières hachées liées aux enfants et sont moins concernées par les carrières longues.
Parmi ces seniors qui travaillent à plus de 60 ans, la plupart sont des cadres et des employés. Peu d'ouvriers sont représentés au-delà de cet âge, car ils ont pour la plupart commencé à travailler jeunes, et ont plus de risques de présenter des problèmes de santé liés à leur travail.
Si la plupart du temps, le fait de continuer à travailler après l'âge minimum de départ s'impose donc pour des raisons pécuniaires, certains seniors, plus rares, décident aussi de prolonger leur carrière par choix personnel, souvent par peur d'entrer dans une période assimilée à la solitude et à la vieillesse.
La transition douce du confinement
« Pour moi la retraite, c'est le moment où tout s'arrête. Quelque part c'est une fin, le début d'une pente descendante », continue Chantal, qui a perdu son mari il y a quatre ans. « Ces dernières années, je suis devenue tutrice pour de nouveaux arrivants dans le métier de conseiller chez Pôle emploi et j'ai pu partager mes compétences. Les confinements m'ont aussi permis de faire une transition douce entre mes années de travail et le début de la retraite », explique-t-elle. Alors qu'elle aurait pu partir il y a plusieurs années avec une pension à taux plein, Chantal a quitté Pôle emploi à 70 ans. « Ce fut un grand moment d'émotion », raconte-t-elle. Son départ a été salué par la médaille du travail et un entretien avec le directeur national de Pôle emploi.
Se sentir « jeune »
« En réalité, j'aime beaucoup travailler avec une équipe jeune, et puis nous avons une grande liberté géographique pour être en télétravail, les conditions sont réunies ! », note Murielle, qui a quitté Paris pour prendre ses quartiers près d'Aix-en-Provence. « Si j'étais dans une grosse boîte, je crois que je me sentirais has been. Mon mari qui travaille dans une grande entreprise prendra sa retraite d'ici un an a priori, je pense qu'on a davantage envie de s'arrêter dans ce genre de configuration », souligne-t-elle.
L'envie de se sentir plus jeune, c'est aussi ce que ressent Alain*. A 80 ans, il exerce encore son activité d'expert-comptable et de commissaire aux comptes en indépendant. Il est rattaché à un cabinet parisien pour ne pas se sentir isolé, « pour avoir des relations humaines, un environnement professionnel et de l'aide si nécessaire ». « Je n'ai pas voulu arrêter d'un coup et entrer tout de suite dans la retraite avec un grand R. Au moment où j'aurais pu partir, mes enfants étaient encore jeunes et le fait de continuer m'a aussi donné le sentiment d'être plus jeune », raconte-t-il, précisant que sa bonne forme physique lui permet de travailler à mi-temps sans problème.
L'attachement à un esprit d'équipe
Un son de cloche différent pour Catherine, 64 ans, infirmière de bloc opératoire. « Je m'éclate dans mon travail mais maintenant ce sont mes os qui éclatent », regrette-t-elle. Catherine aurait dû travailler jusqu'à 67 ans pour avoir une retraite pleine, mais elle sait qu'elle ne le pourra pas. Si elle continue à travailler aujourd'hui, ce n'est pas pour gagner une meilleure pension, mais par attachement au métier lui-même, et pour « l'esprit d'équipe ». « Dans notre équipe, même si comme partout il manque du personnel, on arrive toujours à boucher les trous dans le planning avec des infirmières vacataires à la retraite parce qu'on aime notre boulot », raconte-t-elle.
Source : lesechos.fr
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